17.12.2013 • Consommation

Comment l’industrie agroalimentaire entretient l’illusion du libre choix dans les supermarchés

Le consommateur a-t-il vraiment le choix de ses achats dans les allées des hypermarchés ? Les rayons colorés proposent-ils réellement des centaines de yaourts, chocolats, plats préparés… différents ? Non, selon une étude de l’ONG américaine Food and Water Watch.

Publié le 17 décembre 2013 , par Rachel Knaebel

Pour réaliser son étude (à télécharger ici), Food & Water Watch a étudié 100 catégories de produits présents dans les supermarchés états-uniens. Et ses conclusions mettent en pièce le mythe du choix du consommateur. Derrière l’apparence de rayons remplis de produits diversifiés, les grandes surfaces proposent des aliments mis sur le marché par seulement une poignée de géants de l’agroalimentaire. Pour un tiers des types de produits examinés, quatre compagnies ou moins contrôlent plus de 75% des parts de marchés.

Prenons l’exemple de la nourriture pour bébé : trois grandes entreprises contrôlent 90% des ventes ! Sur le secteur des céréales de petit-déjeuner, quatre entreprises (Kellogg’s, General Mills, PepsiCo et Post Foods) concentrent 80% des parts de marché, sous des dizaines de marques différentes. De même, 86% des ventes de bière sont réalisées aux Etats-Unis par quatre compagnies. Vous avez le choix entre un pack de Stella, de Leffe ou de Budweiser. Mais toutes ces marques appartiennent à la même entreprise : AB InBev (qui détient 47% des parts de marché de bière outre-Atlantique).

La grande illusion

La concentration très poussée de l’agroalimentaire n’est pas visible dans les rayons des supermarchés. Le client a l’impression d’avoir le choix entre des producteurs différents. La pratique « laisse les consommateurs croire qu’il choisissent entre des produits concurrents alors qu’il choisissent simplement entre des produits fabriqués par la même entreprise, et peut-être même dans la même usine », conclut l’étude de Food & Water Watch.

La situation est-elle comparable en France ? La concentration de la distribution alimentaire entre les mains de quelques groupes est en tous cas similaire. Aux États-Unis, plus de la moitié de l’argent dépensé par les consommateurs dans leurs courses alimentaires est allé dans les proches de quatre entreprises de supermarchés en 2012, note l’ONG dans son étude [1]. En France, une poignée de groupes de grande distribution (Leclerc, Carrefour, Auchan…) concentrent aussi la majorité des parts de marché de l’alimentaire. Et plusieurs géants de l’agroalimentaire omniprésents dans les rayons des supermarchés états-uniens sont loin d’être inconnus en France. Nestlé (72% des parts de marché des aliments pour nourrisson aux États-Unis, 47% des ventes de pizzas surgelés, 47% des aliments pour animaux) distribue en France une dizaine de marques de céréales de petit-déjeuner (Chocapic, Nesquik, Crunch,..) sept marques d’eau minérale (Vittel, Contrex, Perrier,...) plusieurs marques de cacao en poudre. Unilever vend en France des dizaines de marques de condiments, de soupes, de glaces. Danone réunit huit marques de yaourt et trois noms très connus d’eau en bouteille : Volvic, Evian, Badoit.

Pour éviter de se faire avoir par cette illusion du choix, l’ONG états-unienne donne quelques conseils d’auto-défense au consommateur perdu dans un supermarché : ne pas s’aventurer au milieu du magasin, s’intéresser aux produits placés tout en haut ou tout en bas des rayons, faire une liste d’achat et s’y tenir… Et, pourquoi pas, dans la mesure du possible, faire ses courses ailleurs que dans les supermarchés ?

Rachel Knaebel

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Photo : sea turtle cc by-nc-nd

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Notes

[1La chaîne de supermarchés Walmart attire à elle seule 28% de la somme globale dépensée par les Américains pour leurs courses alimentaires.

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