06.02.2014 • Indonésie

Jakarta : Suez environnement et la privatisation de l’eau en procès

Un procès inhabituel vient de s’ouvrir dans la capitale indonésienne : celui du contrat de privatisation de l’eau passé avec Suez environnement et Thames Water dans les années 1990, à la fin de la dictature de Suharto. Quinze années de gestion privée n’ont apporté aucune amélioration au sort de millions de résidents privés d’accès à une eau saine. L’année dernière, le gouverneur de Jakarta avait annoncé son intention de faire repasser le service de l’eau sous giron public en rachetant les parts de Suez. La coalition citoyenne qui a initié ce procès espère faire annuler purement et simplement le contrat initial, épargnant ainsi à l’administration de Jakarta un opération potentiellement coûteuse.

Publié le 6 février 2014 , par Olivier Petitjean

Il s’agit de l’une des dernières survivances de la grande vague de privatisation de l’eau dans les villes du Sud à la fin des années 1990, qui s’est soldée par une série de scandales et d’échecs pour Suez et Veolia. Conclu dans des conditions douteuses, le contrat de privatisation de Jakarta n’a jamais résolu les problèmes de contamination et de manque d’accès à l’eau des résidents de la métropole, tout en faisant augmenter de manière astronomique la dette de la ville envers l’opérateur privé.

Au printemps dernier, le gouverneur de Jakarta Joko “Jokowi” Widodo a annoncé que le service de l’eau repasserait sous gestion publique, à travers un rachat des parts de Suez environnement dans l’opérateur de l’eau, Palyja. Depuis, les négociations traînent. Dans le même temps, Kruha, la coalition citoyenne pour le droit à l’eau, avait initié une procédure judiciaire, dans le cadre d’une action de groupe, pour faire annuler le contrat purement et simplement - et potentiellement éviter d’avoir à payer quoi que ce soit à Suez environnement. Les plaignants estiment en effet que le contrat a été conclu dans des conditions illégales et qu’il contrevient aux dispositions de la constitution indonésienne sur les services essentiels.

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Les militants ont demandé à Joko Widodo de ne pas conclure d’accord avant la conclusion de ce procès. Ils craignent que l’administration ne verse inutilement des sommes importantes à Suez environnement, mais aussi qu’elle continue à faire appel aux services de l’entreprise française de manière indirecte (une solution suggérée par Suez environnement elle-même). Ce sont là des problèmes fréquemment rencontrés en cas de remunicipalisation du service de l’eau (comme récemment à Berlin).

La négociation de la fin du contrat de Jakarta est au centre de manoeuvres politiques et diplomatiques d’envergure, puisque Joko “Jokowi” Widodo, gouverneur à la réputation populiste et progressiste, est donné favori pour remporter les élections présidentielles de juillet 2014. D’un autre côté, GDF Suez, maison mère de Suez environnement, est impliquée dans de nombreux projets énergétiques en Indonésie. Le sort du contrat de privatisation de l’eau figure régulièrement au menu des rencontres diplomatiques franco-idonésiennes depuis plusieurs années.

Le procès s’est ouvert cette semaine, et est désormais ajourné jusqu’au 18 février.

Olivier Petitjean

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Photo : Jonathan McIntosh CC

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